Les mots surlignés font l'objet d'une note
1Monseigneur, voz deulx dernières depeches sont du XVIIe
2et XXIIe septembre tumbées en noz mains jusques yci ;
3les miennes dernieres sont du XXIIe dans le pacquet du roy
4avec les commissions pour faire esmanteler Dye et Loriol. Pour reprendre
5la votre du XVIIe, j’ay heu plusieurs advis de la conversion du vibally Saint-
6Remy, d’une part du danger qu’il pourroit non obstant ce courir, et
7de l’opinion que l’on a d’ailleurs que telle catholisation ne le garantira
8qu’il ne soit pourveu à son office. Les ungs m’escrivent pour eulx,
9les autres pour leurs amis, autres pour moy et à mon refus pour leurs
10amis touchant ledit office. Je verray ce que le roy en ordonnera. Vos lettres
11ont esté rendues à ceulx que vous remerciés pour le regard de monsieur
12de La Roche votre frere. Je vous ay escrit cy-devant ce que monsieur
13d’Uzès m’en dict luy presentant la votre. Quant au contentement que
14mes lettres par le convoy ou precedentes vous ont apportées, je suis très aise
15que le roy et Monsegneur par les leurs du XIIIIe vous tesmoignent
16eulx mesmes ce qu’ilz en ont de satisfaction ; et de ma part
17vous pouvez, monsieur, croyre que je ne voudroys vous en
18deguiser ce que j’en voys, oys et cognois comme je n’ay jamais faict.
19Les choses ne sont encor tant refroydies que si le Cheylar
20estoit attrapé, il ne tiendroit jamais roolle ny contrerolle.
21On estime qu’il soit à Montargis. C’est chose incertaine de la
22vie ou de la mort du sieur de Saint-Romain. Du premier de ce moys,
23la royne m’en demanda des novelles et si je ne scaurois sentir
24qu’il est devenu, s’il est vif ou mort, me redisant plusieurs foys
25ces motz : « Il ne seroit pas de besoin qu’il retourna si tost en
26Daulphiné ». Je ne sceus que remettre la royne au sieur de Stanay
27ou bien à La Corniere, que l’on dict avoir esté employé par celuy qui
28pretendoit au prioré de Mante pour l’aller assommer ; en la companie
29duquel La Corniere j’avois souppé le jour precedent, qui en faisoit
30neantmoins l’ignorant : bien disait-il avoir esté recherché pour
31en faire faire lexeqution, mais qu’il avoit respondu qu’il y falloit
32envoyer Tanchon, le prevost de Paris, avec ung bourreau et que sur telle
33response on ne luy en avoit plus parlé. La royne me demanda quelles
34novelles j’avoys de Montbrun. Je luy ramenteus ce que vous en
35aviez escrit au roy du XVIIe septembre, et encor ce que quelzques
36[v°] particuliers m’en ont escrit et à d’autres qui sont par-deçà. Conformement
37à votre advertissement, la royne me dict que ce ne seroit
38que bien faict, non obstant sa contenance qui le pourroit
39tenir à Valence ou à Grenoble, de l’y arrester et les autres aussi,
40desquelz on peut estre en doubte jusques que l’on vit qu’il adviendra
41à ce temps. Je luy remis en advant ce que desjà je luy avois assez dict,
42que s’ilz se feussent trouvés en lieu où on leur eust peu mettre
43la main dessus, que vous en eussiés rendu bon compte au roy,
44mais qu’en Daulphiné autant qu’en autre part de ce royaume,
45les gentilzhommes fuyoint l’habitation des villes, faisant leur
46demeure en leurs chasteaus et maisons aux champs, la pluspart
47desquelles sont tres difficilles à forcer ou à surprendre ;
48et puysque les choses alloint ainsi, qu’il seroit peut-estre
49meileur de les y retenir et asseurer par art et quelzques
50bons moyens que de les desesperer. Je luy tins ce propoz sur celuy
51que monsieur Bellievre m’avoit tenu ung peu au paravant
52dudit sieur de Monbrun suivant une lettre que monsieur de Saint-André
53luy en avoit escritte en consideration de ce qu’il est oncle du sieur
54d’Allieres. Comme mondit sieur de Saint-André vous pourra dire,
55monsieur Bellievre me demandat si ledit sieur de Monbrun ne
56se voudroit pas faire catholique, que fut occasion que je
57remonstroys à la royne que, si le roy en faisoit ung commandement
58general, que ledit sieur de Monbrun et plusieurs autres y pourroint
59obeyr, mais que je ne voyois pas comment à present, sans tel commandement,
60on les y peut exhorter, attendu les declarations que le roy
61avoit faictes ; que touttesfois, si de leur bon gré ou en
62vertu d’ung commandement general, ilz vouloint revenir à
63la communion de l’eglise catholique, que par là ilz donneroint
64à l’advenir quelques asseurance d’eux estant vraysemblable,
65s’ilz ployoint leur conscience à cela, qu’ilz ployeroint aussi
66toutte leur obeissance, devotion et affection aux commandementz
67et service du roy, d’autant que par cy-devant ilz n’ont jamais
68[36] pretendu autre cause de leur rebellion que celle
69de la conscience et de la religion encor qu’en effect
70on congneut assez qu’il y avoit autre but. La royne me dict que
71si Monbrun vouloit prendre ce chemin, que le roy luy
72envoyeroit une sauvegarde et asseurance telle qu’il la
73pourroit desirer. Je vous ay escrit par ma derniere lettre
74comment la royne, par le propos qu’elle en tint à monsieur d’Évènes,
75sembloit ne trouver bon que l’on esmantèle Dye et Loriol. Monsieur de Limoges m’avoit
76aussi dict que, sans grande necessité, on ne devoit pas venir
77à ce poinct, et qu’il pourroit venir ung temps que telle ville
78que Dye pourroit bien estre de grand importance. J’ay
79aussi eu quelques lettres que l’on a escrit par-deça, que ceulx
80de Dye avoint envoyé devers vous pour avoir garnison en
81leur ville de peur, que les voisins n’y entreprinssent quelque
82chose contre le service du roy et contre leur intention ;
83cela fut occasion que j’en voulus de rechef parler à la
84royne, mais je la trouvis bien changée du propoz qu’elle
85en avoit tenu à monsieur d’Évènes, car elle me dict
86qu’il falloit, puysque le nombre des huguenotz y estoit tel,
87que vous passissiés outre à faire abbattre
88les murs et que la garnison seroit de trop de despense ou
89au roy ou au pays, et que les Corses ne seroint pas pour estre
90tousjours en Daulphiné. J’estime, Monsieur, que la presente vous
91trouvera en chemin ou desjà devers monsieur le marechal
92Dampville qui vous debvoit depecher ung courrier pour vous
93advertir de son passage et vous prier de vous rendre à Lyon.
94J’estime que si le roy a encor quelque chose sur le cueur,
95qu’il l’aura ouvert à mondit sieur le marechal et qu’il vous
96en fera part. Touttesfois la royne, par les propoz que dessus, manifeste
97assez son intention. On crainct que La Rochelle ne nous
98travaille beaucoup et est-on sur la resolution si le roy
99patientera encor ou si il y envoyera armée pour l’assieger.
100Vous aurez sceu comment du XXIe du passé Mons a esté
101rendu au duc d’Albe. Les Francois ont esté conduitz en la
102frontiere de Picardie, où le marquis de Rotelin en a mis un grand
103nombre en pieces et bien escarté le reste. Je prie Dieu,
104Monsieur, vous donner très longue et heureuse vie. De Paris, ce
105IIIe octobre 1572,
106Vostre très humble serviteur.
107Chastellard
108[marge gauche :] Je ne scay pas que je pourray faire à la plus value des ducatz de Brianson. Monseigneur le prince daulphin l’a voulu demander mais il s’en est desisté pour le solagement de ceulx du pays. Telle recherche ne se doibt faire par mon moyen, mais la debvrois plustost empecher. Monsieur de La Roche doibt partir le VIe avec monsieur de Bonevaulx. Monsieur d’Évènes et monsieur de Laval et Gargas se portent bien. Monsieur Le Febvre dict que vous a escrit et envoyé argent. On ne parle plus du voyage de Monsegnieur le prince.
109